Interview touchante et sincère de notre confrère Dominique, frappé par une maladie rarissime et qui, à force de ténacité et du soutien de ses proches, a pu se hisser par-dessus les contraintes imposées par son handicap.
L’interview se déroule à distance mais à la lecture des réponses aux questions posées, nul besoin de voir Dominique pour ressentir son émotion et sa détermination à travers ses paroles.
Dominique, c’est à vous.
Je m’appelle Dominique Loparco. Je suis célibataire et j’ai 43 ans. Mes racines sont italiennes mais je suis né à Morges.
St-Prex est mon lieu de cœur. Je suis un véritable enfant de ce merveilleux village où j’ai pratiquement toujours vécu !
Mes loisirs préférés ? La rando, la montagne, la nature, le cyclisme, mon jardin et les plaisirs de table avec un faible avoué pour les bons vins.
Vous souhaitez partager votre histoire. Pourquoi ?
Car je veux aider des personnes qui traversent les mêmes difficultés que moi. Car c’est possible de réussir une reconversion ! C’est ce message que je veux porter.
Aussi, on ne réussit jamais seul. J’ai pu compter sur la compréhension et la générosité de personnes qui me sont chères. Il ne voudra pas que je le cite mais mon patron, mon ami, Jérémie, est l’une de ces personnes.
C’est ma façon de dire merci et d’aider les autres. L’AI m’a également soutenu dans mes démarches. Sans l’empathie et la compréhension de mes employeurs, passés et présent et sans l’aide de l’AI, ma motivation n’aurait pas suffi.
Qu’est-ce qui s’est passé ? Quelle est la maladie qui a tout fait basculer ?
Quasi du jour au lendemain, à mes 33 ans, j’ai commencé à avoir des soucis d’audition. Après des analyses, on a compris qu’il s’agissait de la maladie de Cogan.
C’est très rare, pour beaucoup d’ORL j’étais le premier cas.
C’est un syndrome qui s’attaque à l’ouïe mais pas seulement. Cela atteint aussi mes yeux et mon équilibre. Il s’agit d’une maladie auto-immune dégénérative. C’est un combat au quotidien…
À quel point est-ce que cela à impacté votre santé ? Quelles sont les solutions ?
Je comprends la question. C’est normal, notre instinct pousse à calculer, à se tourner vers des statistiques et à viser une issue positive, un traitement qui règlera le problème.
Seulement, il n’y a rien qu’on puisse faire. Aujourd’hui du moins. Il n’y a pas de traitement miracle. Croyez-moi, j’ai passé beaucoup de temps chez les spécialistes et au CHUV. Peut-être un jour mais là, au moment où je vous parle, il s’agit de faire face et de se battre.
Les effets sont multiples. S’agissant d’une maladie inflammatoire qui provoque une kératite interstitielle non syphilitique, j’ai subi des vertiges sévères. L’oreille interne fut touchée et j’ai dû consulter une physiothérapeute spécialisée tant je n’arrivais plus à marcher droit.
Par ailleurs, j’ai une hypoacousie qui évolue rapidement vers la surdité.
Au début, je souffrais de nausées voire de vomissements.
Depuis 10 ans maintenant je dois aussi faire face aux acouphènes qui résonnent 24 heures sur 24 et à une ataxie.
Tout cela est assez similaire aux symptômes de la maladie de Menière.
La kératite peut s’améliorer avec un traitement corticoïde. J’y travaille.
Par contre, j’ai perdu l’oreille droite (implant) et la gauche est à maximum 10% de sa capacité.
Le travail est donc celui des traitements disponibles, de prendre les initiatives nécessaires pour améliorer sa qualité de vie et d’œuvrer à se reconvertir pour rester un membre actif de la vie professionnelle et d’y prendre du plaisir. Ce n’est pas évident mais c’est possible !
Merci pour ce partage Dominique. Vous parliez de rester actif et de participer à un projet collectif par le travail. Ce fut donc le cas précédent l’annonce ? Quelle était votre réalité d’avant ? Comment avez-vous vécu la transition ? Et vos proches ?
J’étais conseiller en assurances et l’impact a été considérable !
C’est arrivé d’un jour à l’autre… C’est comme si on m’avait coupé les ailes !
Vous savez, je suis une personne souriante et qui aime les gens et le contact humain ! Moi qui suis très sociable, c’était dur… il a fallu beaucoup d’années pour digérer cela, faire le deuil et apprendre à vivre différemment…
C’est un handicap invisible et les gens (mes proches, mes collègues…) oubliaient que je n’entendais pas. On nous perçoit comme étant « normal » mais en fait non…
Cela a provoqué d’énormes difficultés dans ma vie professionnelle et privée !
Socialement c’était très difficile… je me sentais souvent triste et exclu !
Imaginez un instant être en pleine possession de vos moyens et de devenir malentendant, de perdre vos sens, petit à petit. J’étais en colère car c’est frustrant sachant qu’on ne peut rien faire…
J’ai tout essayé. Au niveau médical ainsi qu’avec la médecine alternative. Rien n’a fonctionné.
Mes proches ont souffert aussi ! Voir mon évolution a été très difficile à supporter pour eux. Ils se sont adaptés et ont fait de leur mieux !
Ils tentent de tenir compte de ma situation. Par exemple, ils me demandent toujours où je veux m’assoir. Il faut savoir que le moment à table est redoutable, particulièrement dans les cafés et restaurants. Le bruit est infernal car les appareils auditifs amplifient les sons.
Vous parliez de votre vie professionnelle comme conseiller en assurances. Quelle fut la réaction de votre employeur.
Mon employeur à l’époque a été très compréhensif et m’a soutenu pendant le travail et pendant mes absences courtes et prolongées.
Je travaillais dans le conseil client ; un espace où l’on doit être à l’écoute. Vous imaginez bien qu’un professionnel se doit de bien écouter les besoins de son interlocuteur et là, je n’étais simplement plus en mesure de le faire.
Les appels téléphoniques et les entretiens devenaient trop compliqués.
Je me rappelle de mon dernier rendez-vous. La pièce avait un haut plafond et ça résonnait. En plus, c’était en anglais. J’avais beaucoup de mal à comprendre mon client. Heureusement, je le connaissais et il m’a témoigné beaucoup d’empathie…
Lorsque j’ai quitté son bureau, je me suis mis à sangloter par sentiment d’impuissance.
Vu la situation, j’ai dû arrêter. Mon employeur n’était plus en mesure de me garder. Heureusement, l’AI est intervenue rapidement.
En quoi consiste leur intervention ?
À la suite de mon handicap, ils ont rapidement pris à leur charge l’achat de mon appareil auditif. Suite à la baisse évolutive de mon audition, d’autres appareils furent achetés. L’AI a systématiquement couvert les frais engendrés.
Il en va de même pour les frais relatifs à mes opérations en lien avec mon implant cochléaire.
Au niveau professionnel, ils m’ont permis de me reconvertir en me soutenant par des formations. Le marketing m’intéressait et je voulais apprendre.
Je suis donc retourné sur les bancs d’école !
Grâce à l’aide de l’AI, j’ai pu obtenir des micros que je pouvais donner aux enseignants et aux élèves et ainsi suivre les cours.
C’était fatiguant d’écouter, de me concentrer, d’être attentif et de prendre des notes en même temps mais heureusement, la retranscription en direct par l’équipe TXT de la RTS m’a sauvé !
La retranscription me faisait gagner de l’énergie car je pouvais lire et cela me permettait de prendre des notes personnelles moins détaillées.
Autre investissement pris en charge, les instruments tels que des micros et mes lunettes.
L’AI a donc aidé matériellement. C’est appréciable en effet.
Oui mais ils m’ont également suivi auprès de mon employeur suivant. J’ai pu travailler au marketing pour Purina de Nestlé à la Tour-de-Peilz. L’AI organisait des réunions avec mon employeur pour prendre la température et pour évaluer l’évolution dans le cadre de mon travail.
Ma conseillère a toujours été présente. Elle m’a apporté un immense soutien dans le contexte de ma reconversion. Je lui suis très reconnaissant.
Et puis, l’aventure Milenia a commencé !
Comment cette opportunité s’est-elle présentée ?
Grâce à Jérémie Monney, le CEO de la société. Ami de longue date, nous avons échangé et il cherchait des renforts pour son équipe car l’entreprise était en pleine croissance.
C’est lui qui m’a donné cette chance ! Je ne vous dis pas la reconnaissance que je ressens à son égard.
Le fait de travailler, en équipe, entouré de gens bienveillants, me fait un bien fou. Le fait aussi d’apporter ma valeur professionnelle à l’entreprise me rend particulièrement fier. Nous parlons finalement de choses assez simples dans la vie de chacun et pourtant, en raison de mon handicap, cela fait toute la différence.
Quelle est votre fonction au sein de l’entreprise ?
Je suis digital marketing junior. En discutant avec Jérémie et l’AI, j’ai pu adapter mes horaires pour travailler à mi-temps, les matins.
Grâce à mes appareils auditifs et différents instruments de travail (AVA et micros), j’arrive à effectuer mon travail comme il se doit.
Avant mon arrivée, Jérémie a informé tout le team de ma situation et comment il fallait communiquer avec moi. Me parler en face, en articulant et avec la voix adaptée.
Je me sens chanceux et privilégié chez Milenia !
C’est un bonheur de partager mon quotidien avec ce team merveilleux !
Ils m’ont accueilli comme l’un des leurs et m’ont très vite intégré. Ils sont patients et souriants, ce qui est précieux pour moi.
Milenia a également acheté AVA qui est une application qu’on peut avoir sur le téléphone et ordinateur et apporte aux personnes sourdes ou malentendantes une solution de sous-titrage en direct pour toutes les situations telles que les réunions, les visioconférences…
Nous disposons aussi d’un haut-parleur pour les conférences et je me suis placé à un endroit stratégique dans les bureaux ; ce qui m’aide à anticiper des moments de contacts.
Quel est votre message aux personnes qui sont dans votre situation ? Ils doivent se reconnaître dans certaines difficultés évoquées mais quelles sont les opportunités à saisir, quel est le message que vous souhaitez transmettre ?
Tout d’abord, Je dirais que je suis disponible s’ils désirent discuter avec moi. Ils peuvent se procurer mon adresse mail sur le site web de Milenia.
Personnellement, j’aime échanger avec la communauté malentendante afin de partager les expériences de notre vie de tous les jours.
De plus, on apprend toujours des astuces les uns des autres.
Ensuite, je conseillerais, quel que soit votre handicap, de vous renseigner auprès des différentes associations. C’est important car ils peuvent apporter du soutien et des solutions.
Prendre contact également avec l’AI et votre conseiller. Ils sont à votre écoute et c’est important d’exprimer ce qu’on ressent !
Un conseil aux personnes entendantes. Je vous propose de mettre l’appareil auditif d’une personne de votre entourage qui est malentendante. Vous comprendrez mieux certains effets.
Enfin, j’ai vraiment envie de sensibiliser les gens car dernière notre sourire… se cache une multitude de difficultés qu’on ne voit pas car c’est un handicap qui est invisible. L’empathie, le soutien et la générosité dont j’ai eu la chance de bénéficier, sont essentiels.
La reconversion, c’est possible. Avec les efforts adéquats, la technologie adaptée et un environnement qui vous soutient, il est possible de vous épanouir et de (re)trouver votre place et votre valeur ajoutée !